Pyrénées-Orientales : quand l’été, les imprudences et les feux mettent les pompiers à rude épreuve
Un hélicoptère bombardier d'eau mobilisé sur un feu entre Villelongue-de-la-Salanque et Sainte-Marie
Crédit : ©Samuel Bravo
Publié : 10 juillet 2025 à 15h12 par Samuel Bravo
Depuis le début du mois de juin, plusieurs incendies ont déjà touché les Pyrénées-Orientales, même si, pour l’heure, ils n’atteignent pas l’ampleur de ceux qui sévissent dans l’Aude voisine. Dans ce département où la sécheresse, le vent et la végétation méditerranéenne créent un environnement propice aux incendies, les pompiers déploient des moyens considérables pour contenir les flammes. Mais face à un danger qui reste en grande partie lié aux comportements humains, la vigilance de chacun demeure le premier rempart contre la catastrophe.
Un été déjà marqué par les flammes
Les colonnes de fumée se sont déjà multipliées dans le ciel des Pyrénées-Orientales ces dernières semaines, signe que la saison des incendies est bel et bien lancée. Le 9 juin, un feu de broussailles à Torreilles a mobilisé 25 sapeurs-pompiers et un hélicoptère bombardier d’eau pour en empêcher la propagation. Deux jours plus tard, le 11 juin, c’est à Salses-le-Château qu’un incendie a parcouru près de 7 hectares dans une zone militaire, nécessitant l’intervention d’une centaine de pompiers, d’un hélicoptère du SDIS et de plusieurs avions bombardiers d’eau.
Le 23 juin, près de Perpignan, un véhicule en flammes a embrasé la végétation en bordure de la RN900, un feu rapidement maîtrisé. Le 26 juin, un nouveau départ de feu a été signalé dans une zone broussailleuse non loin de la ville, déclenchant une surveillance renforcée. Puis le 28 juin, deux foyers sont apparus : l’un à Argelès-sur-Mer, touchant un mobil-home et plusieurs bouteilles de gaz, l’autre à Pézilla-la-Rivière, faisant un mort. Plus récemment, le 2 juillet, un feu de chaume et de sapins à Py a nécessité l’engagement de moyens aériens importants. Enfin, le 9 juillet, c’est entre Sainte-Marie et Villelongue-de-la-Salanque qu’un incendie s’est déclaré dans une zone agricole, rapidement circonscrit par les pompiers du SDIS 66.
Pour l’heure, ces sinistres restent contenus et n’atteignent pas l’ampleur des violents feux qui ravagent déjà l’Aude voisine, où plusieurs milliers d’hectares sont partis en fumée. Mais dans un département où vent, chaleur et sécheresse s’accumulent, ces premières alertes laissent craindre un été sous haute tension.
Un territoire où le risque est permanent
Si des incendies se déclenchent si souvent dans les Pyrénées-Orientales, c’est parce que le département réunit tous les ingrédients d’une région à haut risque. À la croisée des influences méditerranéenne et montagneuse, le territoire est soumis à des conditions climatiques extrêmes, entre chaleur précoce, sécheresse persistante et vents violents. D’après Météo-France, les précipitations ont été inférieures de près de 30 % à la normale ce printemps sur l’ensemble du pays, et les sols sont déjà considérés comme très secs dans une grande partie du département. Un déficit hydrique qui rend la végétation particulièrement vulnérable au feu.
À cela s’ajoute la tramontane, qui peut souffler en rafales jusqu’à plus de 100 km/h. En quelques minutes, une étincelle peut ainsi se transformer en front de flammes difficilement maîtrisable.
Le paysage lui-même complique la donne. Garrigues, pinèdes, zones agricoles desséchées, zones pavillonnaires ou agricoles mal débroussaillées : l’interface entre l’humain et la nature est omniprésente, et la géographie du département ne fait qu’accentuer le danger.
« Ce territoire est atypique, au-delà du fait qu’il soit transfrontalier, le département se divise en 3 vallées principales (de l’Agly, du Tech et de la Têt) » rappellait le colonel Eric Belgioïno, directeur du SDIS 66, en début de saison.
Avec près de 250 000 hectares de surfaces boisées, le département est en grande partie recouvert de végétation inflammable. Résultat : la moindre imprudence, dans un tel environnement, peut suffire à allumer un incendie aux conséquences potentiellement dramatiques.
Des pompiers sur le pied de guerre pour un été à haut risque
Alors que la France entière suffoque sous une canicule prolongée, les Pyrénées-Orientales n’échappent pas à la règle. Depuis plusieurs jours, le département connaît des températures qui dépassent régulièrement les 36 °C, avec des nuits où le thermomètre ne descend pas sous les 23 °C.
Ce contexte météorologique exceptionnel, marqué par la récurrence accrue des vagues de chaleur, alerte autant les habitants que les autorités. Et pour cause : ces conditions favorisent les incendies. Si les Pyrénées-Orientales sont pour l’heure relativement épargnées par de grands sinistres, l’Aude, elle, paie déjà un lourd tribut. Depuis le 29 juin, plusieurs incendies majeurs ont ravagé plus de 2000 hectares dans les Corbières, à Bizanet, Narbonne et près de l’abbaye de Fontfroide, nécessitant l’intervention de plus de 500 sapeurs-pompiers, épaulés par des Canadair, Dash et un hélicoptère Dragon.
Dans ce climat, le Service Départemental d’Incendie et de Secours des Pyrénées-Orientales (SDIS 66) se prépare à affronter un été à haut risque. Sur un territoire vaste et contrasté, avec 39 centres de secours et deux principaux, les pompiers veillent à ce que plus de 95 % des habitants soient situés à moins de 15 minutes d’un point d’intervention. Mais comme le rappelle le colonel Éric Belgioïno, directeur du SDIS 66, « être situé à moins de 15 minutes ne signifie pas que les secours arriveront forcément dans ce délai. Il faut ajouter le temps de préparation des équipes, bien que rapide, et le trajet vers la zone d’intervention ».
Pour la saison estivale, l’organisation monte encore en puissance. Les effectifs sont renforcés par des pompiers volontaires et saisonniers, des postes avancés sont installés, et la surveillance s’intensifie. Six GIFF (Groupes d’Intervention Feux de Forêts) sont positionnés sur le territoire, épaulés par deux groupes d’alimentation en eau, deux hélicoptères bombardiers d’eau et même un GIFF venu de Roumanie, déjà engagé l’an dernier. À cela s’ajoutent l’avion de reconnaissance « Horus », cinq tours de guet et des patrouilles de l’Office national des forêts (ONF) et de la sécurité civile, qui quadrillent les zones sensibles et donnent de précieuses informations au Centre Opérationnel Départemental (CODIS) qui coordonne en temps réel les interventions en fonction de la météo et des alertes terrain.
Mais la chaleur n’impacte pas que les forêts. Elle fatigue aussi les équipes : en plein été, une intervention est déclenchée toutes les 14 minutes dans le département. Pour limiter l’engorgement, le SDIS 66 collabore étroitement avec l’hôpital de Perpignan afin de réduire les « carences », ces transports normalement assurés par d’autres services.
Face à cette situation, le SDIS 66 ne se contente pas de renforcer ses moyens d’intervention : il mise aussi sur la prévention et la sensibilisation, des leviers essentiels pour limiter les risques.
Comment éviter le pire : les gestes qui sauvent la forêt
Dans les Pyrénées-Orientales, la prévention reste le meilleur rempart contre la catastrophe. Qu’il s’agisse d’imprudences ou d’actes volontaires, la responsabilité individuelle est plus que jamais au cœur du dispositif.
« Neuf feux sur dix sont causés par l’homme », rappelle le colonel Éric Belgioïno.
Depuis plusieurs semaines, le SDIS 66, en lien avec le Département et la Préfecture, multiplie les opérations de sensibilisation. Des campagnes d’affichages sont réalisées sur les plages, dans les campings et sur les axes routiers les plus fréquentés. Dans le même temps, les pompiers sillonnent les marchés et les zones touristiques à bord de leur « Car Héros », un bus transformé en outil pédagogique, pour rappeler les bons réflexes à adopter face au risque incendie.
Les consignes sont simples, mais trop souvent ignorées : ne jamais jeter un mégot dans la nature, ne pas allumer de feu en forêt ni utiliser de barbecue hors des zones prévues à cet effet, débroussailler systématiquement autour des habitations. Autant de gestes qui, selon les autorités, peuvent faire toute la différence.
La lutte contre les incendies commence bien avant l’intervention des soldats du feu. Comme l’explique le SDIS 66, habitants et vacanciers représentent eux-même la première ligne de défense. Un point de vue partagé par l’ONF et les services de l’État, qui rappellent que le non-respect des obligations de débroussaillement (entré en vigueur fin-juin) peut non seulement aggraver la propagation d’un incendie, mais aussi exposer les propriétaires à des sanctions. De plus, l’emplois du feu est interdit sur le territoire du 1er juin au 30 septembre.
Dans un été où les températures flirtent quasiment chaque jour avec les 36 °C et où la végétation est déjà aussi sèche qu’en plein mois d’août. Alors plus que jamais, la prudence est de mise pour que ces vacances restent un simple souvenir de chaleur, et non de cendres et de destruction.